HONNEUR A LA BENEVOLE DU MOIS
Publié le 14/12/2025
Jamais elle ne l’aurait imaginé, et pourtant Yasmine MARJANE, « Guendouz » comme les enfants aiment la surnommer, connue pour sa bienveillance et son franc-parler, est devenue un élément moteur du développement de l’Ecole de Foot du Sporting Club AGRIS.
Un jour vous décidez de vous rapprocher de votre famille en Charente et votre vie prend un virage inattendu ?
Yasmine MARJANE : Il y a 3 ans, je décide de quitter la Normandie, pour m’installer en Charente auprès de ma famille. Il se trouve que mon oncle, Christopher Louis, est entraineur d’une équipe de foot d’un petit club rural, le SC Agris qu’une bande de copains a créé en 2021. Je pousse la porte par curiosité, c’était pour moi un moyen de créer un lien social, je connaissais peu de personnes et spontanément j’ai eu envie de donner un petit coup de main.
Le foot vous a toujours passionné ?
Yasmine MARJANE : Le foot n’a jamais été une grande passion. J’en ai fait un peu pendant 2 ans à l’âge de 10 ans. Pour être honnête, mon oncle aurait été dans un club de hand ou autre, ça aurait été pareil. J’ai commencé à donner des petits coups de main, principalement à la buvette et je venais voir les matchs.
Très vite, à votre grande surprise, on vous propose de passer de la buvette à l’école de foot ?
Yasmine MARJANE : Dès mon arrivée, il y a 3 ans, le club décide de créer une école de foot et on me propose de venir aider à encadrer ces jeunes bambins en culotte courte. Quelle n’est pas ma surprise, je n’ai aucune connaissance, aucun diplôme et suis la seule à ne pas pratiquer… mais je suis volontaire et j’accepte. Cela fait 3 ans que ça dure et que j’encadre les plus petits, U6-U7.
La 1ère année nous n’avions qu’une catégorie, la 2ème année, 2 et depuis cette saison nous sommes arrivés à avoir toutes les catégories jusqu’en U15. Nous accueillons tous les enfants quels que soient leurs niveaux, nous sommes parfois obligés d’en refuser mais exclusivement par rapport à l’effectif qui peut devenir trop important à gérer.
Vous partiez de rien, comment avez-vous procédé pour relever le défi ?
Yasmine MARJANE : Nous sommes une grosse équipe d’environ 15 éducateurs et nous avons la chance de posséder un RTJ. C’est lui qui a créé la première année, le programme des entrainements que nous avons suivi et la 2ème année nous nous sommes tous lancés seuls. Il reste cependant à notre disposition et nous n’hésitons pas à lui demander de l’aide ou des conseils.
Pour les entrainements, je suis accompagnée le mercredi par un joueur senior et le samedi par une jeune joueuse de 12 ans qui s’est spontanément proposée pour m’assister et arbitrer.
Est-ce qu’on peut dire que vous avez eu une révélation ?
Yasmine MARJANE : Toute cette pédagogie me plaît énormément, j’adore m’occuper des enfants, de les voir faire du sport, progresser, gagner en motricité, prendre conscience des autres, acquérir l’esprit de groupe. Je leur laisse une certaine liberté, je les laisse tester des choses et se rendre compte par eux-mêmes de ce qui fonctionne ou non. Je me préoccupe presque plus de leur épanouissement que de leur pratique du foot. En outre, avec le Foot, ce qui me plait, c’est que c’est un sport populaire et accessible à tous.
Qu’est-ce que cette expérience vous apporte ?
Yasmine MARJANE : Je ne pensais jamais faire ça un jour. Au départ, peut-être qu’on s’est dit « qu’est-ce qu’elle fait là ? » mais plus maintenant, je suis très bien acceptée. Je ressentais un gros problème de légitimité. J’ai pris confiance, je me rends compte que je suis capable de gérer des trucs. C’est très enrichissant, on fait des choses qu’on ne pensait jamais être capable de réaliser. Cela m’apporte un certain équilibre, c’est une occupation et je prends du plaisir à aider. Dans mon travail, je suis payée pour rendre service, mais là je suis Bénévole comme tous les autres dans ce club. On s’entraide, il y a beaucoup de force de travail, chacun essaie d’apporter quelque chose pour que ce bébé qu’ils ont vu naitre, il y a 5 ans, grandisse le mieux possible. Si j’avais un conseil à donner aux personnes qui déménagent dans un lieu inconnu, c’est de s’inscrire dans une association, c’est le meilleur moyen de tisser des liens sociaux.
Comment considérez-vous votre rôle d’éducatrice ?
Yasmine MARJANE : Pour moi, pour bien s’occuper des enfants, ce n’est pas nécessaire de savoir qui a gagné la dernière Coupe du Monde, cela nécessite d’autres qualités, à savoir : la patience, la bienveillance, être à l’écoute de ce que les enfants font, éduquer, prendre soin, savoir gérer les relations avec les parents.
Votre investissement ne s’arrête pas là et un projet vous tient particulièrement à cœur ?
Yasmine MARJANE : Au niveau du club nous souhaitons mettre en place un projet et nous engager dans le PEF (parcours éducatif fédéral). Ce qui permettrait de consolider notre école de foot dont le ¼ de l’effectif est féminin. Nous sommes bien mieux structurés au bout de 3 ans, il y a eu une belle progression qu’il faut stabiliser. Il est plus facile de se lancer que de perdurer. J’ai bon espoir car nous sommes une équipe très soudée et nous avons le soutien des parents.
Ce sentiment d’illégitimité au sein de ce monde de footeux a été une nouvelle fois mis à l’épreuve ?
Yasmine MARJANE : Oui quand Emma Gautier m’a proposé, il y a 2 ans, d’intégrer la commission féminine du District. Je me suis dit « moi, ce n’est pas possible ?? » et puis « pourquoi pas ». C’est intéressant, on réfléchit à d’autres offres de pratique. Et puis qui mieux qu’une femme sait ce que peut ressentir une femme, comment elle fonctionne et à quoi elle aspire ?
Je pense que je peux apporter un regard différent de celui des vrais footeux. Ils sont plus dans la compétition et privilégient le foot à 11 qui pour moi, s’adresse plus à des jeunes filles. Cependant il y a bon nombre de femmes plus âgées qui aimeraient pratiquer mais qui ont plus de contraintes de vie, et pas nécessairement la forme physique pour évoluer à 11. C’est pourquoi je souhaiterais qu’on s’intéresse plus à ce type de pratique de foot à 8 uniquement sur le département, ce qui permettrait plus de souplesse à tous points de vue (effectif réduit, moins de déplacements, terrain plus adapté, compatibilité avec leur vie de famille bien remplie).
C’est une belle opportunité qui s’offre à moi pour assouvir mon féminisme, de donner la liberté aux femmes de choisir de faire du sport et en l’occurrence du Foot.
Reportage réalisé par Isabelle Bonneau, Animatrice de la Commission Valorisation de l’Engagement Bénévole
